substantif féminin
Le mot sollicitude nous vient du latin « sollicitudo » qui signifie inquiétude, souci. En France, son usage apparaît dès 1265. Il est alors employé pour désigner le soin avec lequel on s’applique à quelque chose.
Son utilisation perdure jusqu’au temps de Molière, où soudain elle décline. Le mot est alors classé parmi la famille des mots datés et hors d’usage. De nos jours, sollicitude connaît un regain d’intérêt, notamment dans les sphères intellectuelles.
On distingue plusieurs usages du mot sollicitude. Dans des textes anciens ou des écrits littéraires contemporains, utilisé au singulier, il est synonyme de soin inquiet, de souci, de préoccupation. On retrouve là son acception originelle.
Employé au pluriel, il désigne non plus un comportement anxieux mais les manifestations concrètes de cette vigilance.
Ainsi, appliqué à la religion catholique, si l’on parle de « la sollicitude des Eglises » ou de « la sollicitude pastorale », il faut comprendre la vigilance, le soin que les évêques sont obligés d’avoir des églises qui leur sont commises.
Concernant encore la religion, l’expression « les sollicitudes du siècle », que l’on peut trouver dans des textes saints, signifie les soins des choses temporelles.
Aujourd’hui, il appartient toujours à un registre de langue soutenu, mais son sens a légèrement évolué. Il y a toujours l’idée de soin, mais celle d’inquiétude a disparu au profit de celle d’attention. Ainsi, être plein de sollicitude , c’est prodiguer des soins attentifs et constants envers une personne ou éventuellement une collectivité.
Plusieurs expressions existent et modulent le degré de profondeur de cette attitude. Exemples : faire un geste de sollicitude, avoir un regard de sollicitude, faire preuve de sollicitude, veiller sur quelqu’un avec sollicitude, entourer, envelopper quelqu’un de sollicitude…
De même, la sollicitude pourra être, au choix, qualifiée de bienveillante, d’affectueuse, de pieuse, d’extrême, d’attentive, d’inquiète…
A noter qu’au pluriel, comme dans le premier usage du mot, les sollicitudes désignent les manifestations concrètes de la prévenance, de l’attention portée à quelque chose et plus le comportement lui-même.
L’emploi du terme sollicitude se retrouve aussi dans la sphère des sciences humaines et dans le domaine littéraire.
Pour commencer, penchons-nous sur l’usage du mot sollicitude au sein des sciences de l’Homme.La sollicitude y est un concept fort, qui donne lieu à débat et donc à des acceptions différentes selon les théories. Il irrigue la philosophie, l’économie, la politique et la sociologie depuis les années 1980 et commence à faire irruption dans le débat public depuis les années 2000. C’est la traduction du terme anglais « care », qui désigne tout à la fois la disposition affective à l’égard d’autrui et les soins qu’on lui donne. On voit que le « care » englobe les deux définitions du mot sollicitude.
Le concept de sollicitude apparaît d’abord dans la théorisation des relations entre soignants et soignés. Il s’agit de réfléchir à la dimension morale de l’acte thérapeutique. La sollicitude est alors comprise comme l’attitude positive et volontaire vers celui qui souffre ou qui a un besoin. Ce comportement se devant d’être éthique mais sans dogmatisme, sans invasion des sentiments et sans compassion.
Mais pour certains auteurs, la sollicitude n’est pas qu’une attitude ou une valeur, c’est un fondement de l’humain. Notre instinct naturel serait la sollicitude, mais la société actuelle nous poussant vers toujours plus d’individualisme, d’autonomie et de séparation sociale, nous oublions ces relations fondamentales d’interdépendance entre les êtres. Il s’agit alors de dénoncer cette société et les inégalités qu’elle engendre et de brandir un projet politique de refonte globale.
Pour terminer, revenons à un peu de légèreté. Au sein des belles lettres, la sollicitude est une forme littéraire créée par l’OULIPO (Ouvroir de Littérature Potentielle, un groupe expérimental dédié à la création littéraire). On peut distinguer une sollicitude « classique » et une « moderne » apparue par la suite.
La déclinaison originelle consiste en un petit poème à la forme très codifiée composé de trois vers qui riment. Les deux premiers vers sont des alexandrins qui exposent un fait sur une personne inconnue et le dernier vers, comptant trois pieds, exprime la sollicitude du poète envers la personne en commençant par la question « Qu’a ? ». On s’aperçoit alors que le nom de la personne a été choisi pour compléter le son [ka] et former l’homophone d’un mot connu. Voyons par l’exemple, cela sera plus concret :
Appétit vigoureux, tempérament de fer,
Member languit, Member se meurt – ami si cher,
Qu’a Member ?
Franc-Nohain, 1894
La sollicitude moderne a été élaborée par les auteurs Jacques Roubaud et Olivier Salon. Elle est de forme plus libre, le nombre de vers n’étant pas imposé. Si le dernier vers est une question, celle-ci peut être introduite par différents interrogatifs. Mais il n’y a pas d’obligation formelle à formuler une requête pour clore le poème. Par contre, nouvelle contrainte stylistique : les premiers vers doivent faire référence au mot qui apparaîtra dans le dernier. Un exemple ?
Certains sont auteurs Gallimard
Du Seuil, de Minuit, de Fayard
Du Théâtre Typographique.
Mais qui édite Irambique ?
Jacques Roubaud
Si vous souhaitez rire de bon cœur, je vous invite fortement à aller faire un détour sur le site de l’OULIPO, une vraie mine d’or, où vous trouverez nombre de ces petits poèmes humoristiques.
Et si vous voulez briller dans les dîners, informez donc votre auditoire que la chanson L’Ami Caouette de Serge Gainsbourg est une succession de sollicitudes en deux vers. Cela peut faire son petit effet.